Le marché de l’aromathérapie une filière d’excellence à fort potentiel économique sous la pression d’une réglementation ubuesque

Qu’il y a-t-il derrière le flacon d’huile essentielle de lavande ou de tea tree que vous prenez pour en utiliser quelques gouttes ?

C’est toute une filière qui est à l’œuvre pour produire et distribuer ces huiles essentielles et ce dans le monde entier.

L’aromathérapie c’est-à-dire l’usage des huiles essentielles pour la santé et le bien-être représente la moitié du marché mondial des huiles essentielles (3.5 milliards d’euros . Les autres usages sont principalement dans l’industrie et dans la production alimentaire où les huiles essentielles sont utilisées comme parfums et arômes.

Quelques chiffres sur la production mondiale d’huiles essentielles

Dans le monde, en 2015, la production d’huile essentielle s’élevait à 180 000 tonnes dont 1 600 tonnes pour la France.

Au niveau mondial, les huiles essentielles les plus produites sont :

  • Les essences d’agrume. principalement l’huile essentielle d’orange 51 000 tonnes et l’huile essentielle de citron 3500 tonnes,
  • Les huiles essentielles de menthes : Menthe des champs ( 34 000 tonnes), Menthe poivrée : (4000 tonnes), Menthe douce (2000 tonnes),
  • L’huile essentielle d’eucalyptus globulus : 3000 tonnes,
  • L’huile essentielle de cèdre 2000 tonnes,
  • L’huile essentielle de citronnelle (2000 tonnes),
  • L’huile essentielle de lavandin : 1 620 tonnes. Près de 90% de la production d’huile essentielle de lavandin est assuré par la France.

La production Française d’huiles essentielles

La principale huile essentielle française est celle de lavandin qui représente plus de 80% du volume total de la production des huiles essentielles.

En plus des huiles essentielles issues de plantes aromatiques de cultures comme la lavande, sauge ou fenouil. La France produit en quantités importantes des huiles essentielles via l’élagage ou l’abattage d’arbres, comme les pins ou cyprès, et en quantités moindres via la cueillette. Concernant les productions locales d’huiles essentielles dans les outremer comme le niaouli, l’ylang-ylang, le géranium. En 2017, elles ont représenté 8,6 tonnes d’huiles essentielles exportées vers la métropole.

Huile essentielle Surface de plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM) cultivées en ha Quantités d’HE produites (tonnes)
Lavandin 20 500 1470
Lavande 5 224 110
Sauge sclarée 3 079 75
Thym 547 2
Fenouil 452 16
Menthes 339 5 (menthe poivrée)
Hélichryse 300 3
Romarin 112 2
Sauge officinale 25 10
Pin maritime Hors culture 30
Pin sylvestre Hors culture 2
Cyprès de Provence Hors culture 15
Cade Hors culture 5
La balance commerciale française d’import la balance commerciale de la France est légèrement excédentaire en valeur et déficitaire en volume.La France exporte des huiles essentielles de plus fortes valeurs que celles importées.

Ainsi, en 2019, la France a importé 8 300 tonnes d’huiles essentielles pour une valeur totale de 354 millions d’euros et ce depuis le monde entier.
Les exportations, elles, atteignent en 2019 4 700 tonnes pour 377 millions d’euros.

Le marché de l’aromathérapie en France

Au niveau mondial, le marché des huiles essentielles était estimé en 2018 entre 6 et 7 milliards de d’euros. Le marché mondial de l’aromathérapie quant à lui était estimé à 3 milliards d’euros. La moitié des recettes du marché des huiles essentielles sont donc liées à une utilisation en aromathérapie.

Le chiffre d’affaires français des produits transformés à forte valeur ajoutée par rapport aux végétaux bruts (huiles essentielles, extraits hydroalcooliques, poudres…) est estimé à 5 milliards d’euros. Les huiles essentielles représentent en valeur près de la moitié des transformations, soit une estimation de 2,5 milliards d’euros grâce à leurs fortes valeurs ajoutées. La France compte plus d’une centaine de distilleries sur le territoire (FranceAgriMer, Marché PPAM Panorama 2018).

En France les seules données concernant le marché de l’aromathérapie sont celles des ventes d’huiles essentielles unitaires et de complexes, mélanges d’HE en pharmacie et parapharmacie. Le marché se partage entre les huiles essentielles unitaires, les flacons d’huiles essentielles pures et les complexes d’huiles essentielles ou produits à base d’huile essentielle. Comme par exemple des sirops contre les maux de gorges, des sprays assainissant pour l’atmosphère, des baumes et huiles de massages pour soulager les articulations, des roll-on pour réduire les maux de transport ou les maux de tête. Les produits d’aromathérapie les plus prisés sont ceux qui ciblent la sphère ORL, les muscles et les articulations, ainsi que les sprays assainissant.

En France, les huiles essentielles les plus vendues sont celles de lavande fine, arbre à thé et eucalyptus, avec des volumes supérieurs à 10 000 L, viennent ensuite le ravintsara, la gaulthérie et la menthe poivrée avec des ventes comprises entre 5 000 et 7 000 L.

L’avenir des huiles essentielles menacé par une réglementation ubuesque

Aujourd’hui aucune réglementation n’est véritablement et spécifiquement adaptée aux huiles essentielles. Selon leur usage, les huiles essentielles peuvent être régies par plusieurs règlements. Les règlements des cosmétiques, des compléments alimentaires ou des arômes en ce qui concerne les huiles essentielles unitaires ou des produits cosmétiques contenant des HE. Certaines formulations peuvent relever du statut des médicaments ou des biocides à base d’huiles essentielles. Ces multiples réglementations sont très complexes. Le seul règlement cosmétique européen et ses annexes fait plusieurs centaines de pages.

La situation est ubuesque avec des administrations de contrôle qui bien souvent ne peuvent pas connaître l’ensemble des réglementations applicables aux huiles essentielles. Des producteurs, transformateurs et metteurs sur le marché qui sont face à une complexité parfois inextricable.

Le résultat est que le développement de l’ensemble de la filière est bridé et surtout que les consommateurs se voient souvent privés d’informations quant à l’utilisation des huiles essentielles et leurs précautions d’emploi.

En effet, en aromathérapie certaines huiles essentielles peuvent être aussi bien utilisées sur la peau, par voie orale ou en diffusion. Cependant, la réglementation impose le choix d’une seule catégorie de produit et d’usage et limite la mention de conseils et précautions d’emploi à cette seule utilisation.

Alors que de nombreuses propriétés des huiles essentielles sont reconnues par les usages traditionnels millénaires mais aussi prouvées scientifiquement (plus de 24 000 publications sur les huiles essentielles sur PubMed). Les bienfaits des huiles essentielles ne peuvent être revendiqués par les laboratoires en dehors du cadre des médicaments.

Les incohérences sont nombreuses entre ces multiples réglementations segmentées et les usages traditionnels réellement pratiqués en aromathérapie.

Il est plus que temps qu’un statut réglementaire spécifique et adapté aux produits d’aromathérapie soit mis en place avec les acteurs et praticiens de la filière d’aromathérapie.

Sources

Huiles essentielles Françaises et Aromathérapie, une filière d’excellence à fort potentiel économique. (Consortium HE

FranceAgrimer, conférence aux AromaDays. Huiles essentielles : FranceAgrimer participe aux aromadays le 3 décembre 2020

Open Health, https://www.openhealth.fr/

Article rédigé par

Dr Vanessa Bozec

Docteur en pharmacie, spécialisé en aromathérapie, phytothérapie et médecines naturelles.

Vanessa Bozec
Vanessa Bozec